Eclipse solaire au Burkina Faso : ainsi le chat attrapera le soleil
Le Burkina Faso tout entier vivra un phénomène unique. Pendant plus de trois heures, les 13 régions, l’ensemble des 45 provinces du pays vivront ces instants magiques, mais aussi pleins de risque surtout pour la noblesse des sens : l’œil. Des experts montent déjà au créneau pour expliquer ce que c’est réellement et quelles en sont les implications, les autorités aussi. Le ministre de l’Environnement et du Développement durable en a fait cas lors du Conseil des ministres du 2 octobre dernier. Que de propos éclairants destinés à des gens déjà informés et avertis de la question. « C’est bien, mais ce n’est pas arrivé » dirait le commerçant de Rood Wooko (grand marché de Ouagadougou). La compréhension de ces vérités scientifiques reste l’apanage d’une minorité dans notre chère patrie le Faso. Ils le savent tous et peuvent juste se renseigner auprès du ministre de l’Education nationale. Non ! Pas les chiffres destinés aux experts de l’ONU, à l’objectif II des Objectifs du millénaire pour le développement. Ceux réels qu’on aperçoit au quotidien dans le pays réel. En tout cas les prévisions sont millimétriques et à la seconde près quant à cette éclipse solaire qui se profile à l’horizon. Que la science est merveilleuse ! Comme pour valider cette célèbre phrase de Copernic quand il affirme que « la science a vaincu les ténèbres». Le Faso s’apprête donc à vivre une éclipse solaire. Mais qu’est-ce qu’une éclipse solaire ?
Tentative de compréhension
Selon le magazine Futura-Science, une éclipse solaire est le « passage du Soleil derrière la Lune qui le cache à la vue d´un observateur terrestre. C´est donc, en fait, l’occultation du Soleil par la Lune. L´éclipse de Soleil est dite totale quand la lune masque complètement le soleil, annulaire quand le disque lunaire se projette sur le soleil en laissant apparaître un anneau de lumière concentrique, partielle quand la lune masque en partie le soleil sans que l´on se retrouve dans les conditions d´éclipse totale ou annulaire ». Définition complète et très riche, mais trop complexe et inaccessible pour nous ou du moins la plupart de ceux de ma banlieue dans la périphérie-Est de Ouagadougou. Pas seulement nous, ils sont des milliers, ces burkinabè, qui ont envie de comprendre enfin et de vaincre ce « mystère » afin d’éviter pour eux et pour leurs descendants surtout ces brûlures accélérées de la rétine, dont font cas les spécialistes, cause d’une cécité imminente pourvu qu’on leur explique et fasse comprendre dans leur langue et canaux de communication habituels.
Souvenir de l’ambiance d’une éclipse lunaire à Ouagadougou
Qui ne se rappelle pas de ces éclipses lunaires à Ouagadougou où la nuit se transforme spontanément comme une journée de carnaval à Rio. En tout cas dans les quartiers populaires en plein centre Ouagadougou (Ex-Zangouétin, Tiendpalogo, Koulouba, Kamsongnin, St Léon, Bilgalogo etc.) on s’en souvient comme si c’était hier. Ça tape et chante avec pour refrain favori « le chat a attrapé la lune, laisse-la partir ». En termes d’instruments de musique, on trouve du tout. Des bidons, boîtes vides d’huile, de lait…, de grosses bassines… et même les portes de certains bâtiments, bref, tout ce qui peut faire du bruit est bienvenu. Les enfants se croyant en fête jubilent et participent au maximum à ce « combat contre le chat ». Et même des troupes professionnelles s’y impliquent armées de leurs djèmbés, tambours etc. C’est passionnant, c’est épuisant… pourvu que « le chat lâche enfin la lune ». En plus c’est la nuit et sans danger pour la rétine des yeux, même si c’était le cas, peu seront ceux qui le sauront. Cette fois-ci, le phénomène sera tout autre. Il se produira dans la journée. Quelle sera donc l’atmosphère à Ouagadougou ?
Le 3 novembre prochain à Ouagadougou
Ce jour là à partir de 11 h : 27 min : 28 s, on vivra en direct cette éclipse solaire, et ce jusqu’à 14 h : 39 min : 27 s.
La journée d’un novembre habituellement chaude et très ensoleillée serait autre. Le soleil n’aura plus ses forces naturelles intactes pour nous arroser de ses rayons ultras violets. Et même à partir de 13 : 06 : 43, ce sera l’obscuration maximale, 60 % du disque solaire sera affecté. On vivra la nuit à 13 h.
Actualité oblige, ma banlieue aussi n’est pas en reste. On en parle dans les kiosques, les « grin de thé » (groupes de jeunes se retrouvant pour une partie de causerie autour du thé), dans les cabarets, au marché, à l’église ou à la mosquée etc. Chacun y va de ses analyses et commentaires. C’est le 3 novembre et le « chat attrapera le soleil ». C’est l’argument phare d’experts d’une autre trempe, mon boutiquier inclus, convaincu et étalant sa théorie à qui veut bien l’entendre. J’adore l’écouter, « c’est métaphysique, l’homme blanc ne peut pas tout expliquer et prévoir » dit-il.
La théorie du « bruit » obstacle à l’avancée du « chat »
Le chat, animal domestique de l’ordre des carnassiers digitigrades, meilleur ami de l’homme tout comme le chien est accusé à tord ou à raison d’être l’auteur de ce hold-up lunaire ou solaire. C’est selon ! Pour ce 3 novembre au Burkina, c’est le soleil qu’il visera, sa cible de quelques heures. Comment le chat parviendra-t-il à gravir les 149 600 000 km qui nous séparent de cette étoile du système solaire de 286,13° d’ascension droite et de 63,87° de déclinaison ? Personne ne le sait, même pas mon expert boutiquier. Mais ce qu’il sait, ce qui est sûr, c’est que ça se produira et le « chat » ira à l’assaut du « soleil » ce jour. Seul le « bruit » peut le dissuader jusqu’à ce qu’il abandonne son aventure dans les cieux. Le « bruit » le dérange, sa le démange, il ne peut continuer et abandonnera cette aventure périlleuse au grand souhait et bonheur du soleil et des humains qu’il éclaire. Reste à savoir qui se lancera dans cette lutte pour la libération du « soleil », la production du « bruit » contre le « chat » le 3 novembre prochain à Ouagadougou dès 11 h : 27 min : 28 s. Mon boutiquier est prêt et s’érige déjà en fervent défenseur de cette cause. Il a même beaucoup d’adeptes convaincus de cette théorie depuis des lunes et d’autres qu’il concocte au fil des jours. Ça va taper ! Ça va danser ! En ce temps, les « bouts de bois de Dieu », les enfants ne s’y mêlent pas ils attendent tout simplement le jour pour l’ambiance.
Les risques ne sont pas loin
J’attends impatiemment le jour comme la plupart des burkinabè, mais je crains également pour les enfants de ma banlieue, des quartiers populaires de Ouagadougou. Heureusement que le 3 novembre sera un dimanche, donc pas d’école ce jour. Mais c’est le jour tant convoité par les enfants, jour de football…, de course poursuite entre camarades, de jeux de toutes sortes à l’abri des yeux des parents et souvent même très loin du domicile. A l’heure de l’éclipse beaucoup seront dehors en train de pavaner et de profiter de ce beau climat que leur offre un dimanche particulier. Bonjour alors les dangers pour de jeunes rétines innocentes. Les experts, pas ceux de la trempe de mon boutiquier, les scientifiques ne cessent d’insister sur les conséquences qu’un simple regard peut provoquer à l’observation sans protections adéquates des yeux. C’est la cécité assurée, disent-ils, puisqu’il peut provoquer des lésions graves de la rétine des yeux. A Ouagadougou ces protections existent déjà. Les commerçants vendent maintenant des lunettes de protection contre les dangers de l’éclipse solaire, des « lunettes d’éclipse ». Les lunettes sont donc disponibles sur le marché, certaines de bonne qualité et même certifiées, mais la plus part de qualité douteuse. Au client de faire alors très attention dans son choix. « La solution de la prison momentanée » qui consiste à s’enfermer ou à enfermer les enfants pendant la période de l’éclipse n’est pas une solution, laissent croire la plu part des spécialistes. Mais elle peut bien être une solution réelle et efficace dans bien des familles à Ouagadougou. Les priorités sont autres et ce n’est pas en profitant quelques heures d’une merveilleuse vue d’une éclipse solaire aussi rare que « le caca d’un chat » que tu pourras te remplir le ventre et ceux de ta famille, répondront bon nombre de burkinabè quand ils feront un petit calcul rapide au vu du nombre de leurs femmes, enfants, frères, cousins, nièces oncles… à leur charge à qui il faudrait offrir des lunettes. Tout compte faire nous n’aurons jamais les mêmes appréciations et préoccupations face au phénomène. Mais ce qui est important et imminent, c’est une sensibilisation rapide jusqu’aux profondeurs du pays avant le 3 novembre pour que chacun puisse savoir à quoi s’attendre réellement et à quoi s’en tenir ?
La balle est dans le camp des autorités, du gouvernement, des conseils municipaux…
Avons-nous déjà oublié le travail formidable des « crieurs publics » accomplis çà et là dans les différentes régions du pays ? Tout comme pendant les campagnes de sensibilisation pour la vaccination des enfants contre la poliomyélite…, ils ont également leur rôle dans l’information de la population sur les dangers et les précautions à prendre pendant ces quelques heures d’éclipse solaire que nous vivrons. En plus du travail d’information que font déjà quelques radios, télévisions et journaux de la place, ces « crieurs publics » sont également une source sûre de transmission de l’information juste auprès des populations surtout dans les campagnes. Chaque quartier, arrondissement, département etc. a ses « crieurs publics » connus et il suffit de les impliquer pour que le message puisse mieux passer jusqu’au petit hameau du Burkina afin qu’une rétine d’œil mal informée ne soit la cible de ce phénomène extraordinaire qu’on s’apprête à vivre.
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