« Tambogdin » : ces fosses qui fâchent (1)

Article : « Tambogdin » : ces fosses qui fâchent (1)
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7 janvier 2014

« Tambogdin » : ces fosses qui fâchent (1)

Ouagadougou est une ville où se pratiquent pas mal d’activités professionnelles. La plupart connues et reconnues, certaines méconnues, non reconnues, mais tolérées. Elles se retrouvent dans le secteur informel, celui qui offre le plus d’emplois aux burkinabè. Pourtant des voix ne se lassent de donner une mauvaise image de certains de ces travaux en les qualifiant de sots, de vils, etc. Parmi ces activités non considérées, l’une sort du lot et se positionne parmi les plus pratiquées, controversée surtout en zone périphérique. Il s’agit de l’extraction du banco. Les conditions de travail dans ces immenses fosses aux nombreuses conséquences suscitent des indignations. Faut-il l’interdire alors que des milliers d’Ouagalais y trouvent leur pitance et logement ?

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Fusion des différentes facettes du Tamboko
Ph. Ismaël Compaoré

Pourquoi « Tambogdin » ?

Le « Tamboko » se définit comme étant le trou dans lequel l’on extrait la terre pour la confection des briques, la construction des maisons en terre etc. Ainsi « Tambogdin », une partie du quartier Karpala à Ouagadougou doit son nom à ces immenses fosses. Elles laissent des passages étroits permettant aux extracteurs de la terre et autres riverains de circuler à pied, à vélo, à moto ou avec surtout des charrettes.

Où peut-on localiser ces trous géants ?

Ces trous, localisés dans les quartiers périphériques de la capitale communément appelés « non lotis » présentent de gigantesques images souvent à perte de vue. Il faut dire que certains d’entre eux délaissés se trouvent au milieu des concessions dans les zones loties autrefois non loties. Celui en face du six mettre longeant le CSPS (Centre de santé et de promotion sociale) du secteur 51 (ex secteur 30) est révélateur de cet état de fait. Reste à savoir pourquoi ces trous sont florissants dans ces endroits de la ville ?

Le « Tamboko », une nécessité matérielle et vitale pour le citoyen moyen ?

Le ciment coûte excessivement cher au Burkina Faso (Ciment du Togo : 6 750 F CFA, Burkina : 6 250) et une brique en ciment se négocie à 250 F CFA sur la place du marché. Illusion donc pour bon nombre de citoyens de prétendre construire ne serait-ce qu’une bicoque avec cette denrée rare. Le banco se présente donc comme une nécessité pour ces populations au vu du prix des briques relativement moins cher (35 F CFA pour une brique). Aussi si certains en font un besoin personnel, d’autres l’exploitent à des fins commerciales. Nombreux sont les Ouagalais qui vivent de cette activité. Ainsi chaque jour des dizaines de charretiers affluent dans ces fosses à la quête de la pitance quotidienne. Véritable source d’emplois  pour ces derniers, ils bravent les risques et périls, mais polluent surtout la vie des  populations, des riverains et  l’environnement autour de ces mines de terres.

Les conditions de travail d’un secteur méconnu

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Des enfants bravant les risques (l’insalubrité, la fumée…) à la quête de fer, de zinc, de caoutchouc etc. bref tout ce qui est commercialisable
Ph. Ismaël Compaoré

Seuls les travailleurs et observateurs assidus peuvent en dire quelque chose. Sous le soleil brulant, ces « creuseurs de terre » comme on les appelle vont et viennent. Conduits généralement par des ânes à travers leurs charrettes, ils pénètrent dans les fosses en empruntant des passages étroits taillés des deux côtés. En outre, sur cette portion de terre laissée étroitement, il suffit de la moindre imprudence pour se retrouver renversé dans ces gigantesques « tombes ouvertes ». « Il faut donc faire preuve tantôt de prudence, tantôt d’intelligence et surtout beaucoup de courage pour pratiquer cette activité » nous raconte un extracteur. « J’en ai extrait des tonnes après treize ans d’expérience dans cette activité » conclut-il. Une fois dans la fosse on voit les longues pioches se soulever et s’abaisser. Enfin vient le tour de la pelle pour le chargement dans les charrettes. Après cette phase, il faut remonter en surface : c’est la sortie. Là encore le physique du conducteur y joue pour beaucoup, car il s’agit d’aider l’âne à l’avant de la charrette à remonter la pente.

Au-delà de tout cela, l’on est choqué en tant qu’observateur et même apeuré à la vue des trous secondaires qui se situent dans la fosse principale. A certains endroits de ces fosses, l’on se croirait dans une maison souterraine. Il suffit seulement d’une fissure à ces endroits et c’est l’éboulement, pas besoin qu’on soit en saison pluvieuse.

Aussi véritables poubelles et toilettes publiques, les risques de blessures par morsures de serpents, objets souillés…, les contractions de maladies infectieuses de diverse nature cohabitent également dans ces lieux laissant place aux inévitables conséquences.

 

A Suivre…

Mais en attendant, je traîne mes os dans ces endroits insalubres à la quête de réponses !

 

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Commentaires

Ben
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Hi Ismaël, bel article et description d'un phénomène qui dérange vraiment à Karpala et dans tout l'arrondissement 11 et environnant. J'espère que la suite va situer des responsabilités et proposer des solutions. Je l'attends impatiemment!

Ismaël COMPAORE
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Ben, la suite ne se ferra pas attendre. A Karpala comme dans la plupart de nos périphéries, il existe des Tambokos. Les solutions sautent à l’œil, nous les proposerons et mieux nous tenterons de comprendre pourquoi elles se font toujours attendre depuis des années ? Merci d’être passé !

Gasse
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L'inspiration au service des populations! Article inintéressante, pertinente et constituant plus une source de problème que de revenus ! Reste à savoir ce que le gouvernement Burkinabé fait ou entreprend de faire pour réduire ce phénomène si on sait qu'il existe depuis le temps de Haute Voltas! les responsabilités doivent être situer et des solutions suggérer! merci Ismaël !

Ismaël COMPAORE
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Merci Gasse pour cette contribution. Effectivement ces fosses ne datent pas d’aujourd’hui. Pourquoi donc elles perdurent? Quel est le rôle des conseils municipaux dans leur gestion ? Des interrogations que nous tenterons de répondre dans la deuxième partie de cet article...

Bouba
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Il y a plein de trucs comme ça dans les quartiers non lotis de Ouagadougou et aussi dans les nouveaux quartiers.

Ismaël COMPAORE
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On voit que tu es un parfait connaisseur de Ouagadougou. Merci Bouba d'être passé me rendre visite.