« Tambogdin » : ces fosses qui fâchent (1)
Ouagadougou est une ville où se pratiquent pas mal d’activités professionnelles. La plupart connues et reconnues, certaines méconnues, non reconnues, mais tolérées. Elles se retrouvent dans le secteur informel, celui qui offre le plus d’emplois aux burkinabè. Pourtant des voix ne se lassent de donner une mauvaise image de certains de ces travaux en les qualifiant de sots, de vils, etc. Parmi ces activités non considérées, l’une sort du lot et se positionne parmi les plus pratiquées, controversée surtout en zone périphérique. Il s’agit de l’extraction du banco. Les conditions de travail dans ces immenses fosses aux nombreuses conséquences suscitent des indignations. Faut-il l’interdire alors que des milliers d’Ouagalais y trouvent leur pitance et logement ?

Ph. Ismaël Compaoré
Pourquoi « Tambogdin » ?
Le « Tamboko » se définit comme étant le trou dans lequel l’on extrait la terre pour la confection des briques, la construction des maisons en terre etc. Ainsi « Tambogdin », une partie du quartier Karpala à Ouagadougou doit son nom à ces immenses fosses. Elles laissent des passages étroits permettant aux extracteurs de la terre et autres riverains de circuler à pied, à vélo, à moto ou avec surtout des charrettes.
Où peut-on localiser ces trous géants ?
Ces trous, localisés dans les quartiers périphériques de la capitale communément appelés « non lotis » présentent de gigantesques images souvent à perte de vue. Il faut dire que certains d’entre eux délaissés se trouvent au milieu des concessions dans les zones loties autrefois non loties. Celui en face du six mettre longeant le CSPS (Centre de santé et de promotion sociale) du secteur 51 (ex secteur 30) est révélateur de cet état de fait. Reste à savoir pourquoi ces trous sont florissants dans ces endroits de la ville ?
Le « Tamboko », une nécessité matérielle et vitale pour le citoyen moyen ?
Le ciment coûte excessivement cher au Burkina Faso (Ciment du Togo : 6 750 F CFA, Burkina : 6 250) et une brique en ciment se négocie à 250 F CFA sur la place du marché. Illusion donc pour bon nombre de citoyens de prétendre construire ne serait-ce qu’une bicoque avec cette denrée rare. Le banco se présente donc comme une nécessité pour ces populations au vu du prix des briques relativement moins cher (35 F CFA pour une brique). Aussi si certains en font un besoin personnel, d’autres l’exploitent à des fins commerciales. Nombreux sont les Ouagalais qui vivent de cette activité. Ainsi chaque jour des dizaines de charretiers affluent dans ces fosses à la quête de la pitance quotidienne. Véritable source d’emplois pour ces derniers, ils bravent les risques et périls, mais polluent surtout la vie des populations, des riverains et l’environnement autour de ces mines de terres.
Les conditions de travail d’un secteur méconnu

Ph. Ismaël Compaoré
Seuls les travailleurs et observateurs assidus peuvent en dire quelque chose. Sous le soleil brulant, ces « creuseurs de terre » comme on les appelle vont et viennent. Conduits généralement par des ânes à travers leurs charrettes, ils pénètrent dans les fosses en empruntant des passages étroits taillés des deux côtés. En outre, sur cette portion de terre laissée étroitement, il suffit de la moindre imprudence pour se retrouver renversé dans ces gigantesques « tombes ouvertes ». « Il faut donc faire preuve tantôt de prudence, tantôt d’intelligence et surtout beaucoup de courage pour pratiquer cette activité » nous raconte un extracteur. « J’en ai extrait des tonnes après treize ans d’expérience dans cette activité » conclut-il. Une fois dans la fosse on voit les longues pioches se soulever et s’abaisser. Enfin vient le tour de la pelle pour le chargement dans les charrettes. Après cette phase, il faut remonter en surface : c’est la sortie. Là encore le physique du conducteur y joue pour beaucoup, car il s’agit d’aider l’âne à l’avant de la charrette à remonter la pente.
Au-delà de tout cela, l’on est choqué en tant qu’observateur et même apeuré à la vue des trous secondaires qui se situent dans la fosse principale. A certains endroits de ces fosses, l’on se croirait dans une maison souterraine. Il suffit seulement d’une fissure à ces endroits et c’est l’éboulement, pas besoin qu’on soit en saison pluvieuse.
Aussi véritables poubelles et toilettes publiques, les risques de blessures par morsures de serpents, objets souillés…, les contractions de maladies infectieuses de diverse nature cohabitent également dans ces lieux laissant place aux inévitables conséquences.
A Suivre…
Mais en attendant, je traîne mes os dans ces endroits insalubres à la quête de réponses !
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